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Sous l'alisier

DSC03896 - Copie-1

 

Elle est comme ça sa maison. Au milieu de nulle part. Suspendue au nuage. Baignée de soleil et secouée de vent.

Portes et volets vibrent.

On y est parfois très tranquilles et parfois moins. S'y arrête qui veut, le temps d'un verre. d'une douceur. De quatre mots à échanger. Ou de silence.

Elle est assise sur ses talons, là-haut, au bord du ciel. Nez au vent. Elle est bien. Elle est juste bien au bon endroit pour contempler le monde...



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"Il y avait tant de lumière qu'on voyait le monde dans sa vraie vérité, non plus décharné de jour mais engraissé d'ombre et d'une couleur bien plus fine. L'oeil s'en réjouissait. L'apparence des choses n'avait plus de cruauté mais tout racontait une histoire, tout parlait doucement aux sens. La forêt là-bas était couchée dans le tiède des combes comme une grosse pintade aux plumes luisantes" 
Jean Giono - Que ma joie demeure



Sous l'alisier
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13 novembre 2014

Objets inanimés

 

...avez-vous donc une âme ?

 Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer*...

 

 

Autrefois qui était-ce ? Ma grand-mère, ma mère, mon père, mon grand-père ? Et avant ?

Aujourd'hui c'est moi.

Quand j'arrive dans la maison du Sud, une des premières actions que je m'empresse d'exécuter, juste avant le coup de balai et la valse du chiffon à poussière, juste après l'ouverture des compteurs électriques z'et aquatiques, c'est de grimper sur le tabouret de paille et de remonter la vieille horloge. Ouvrir la vitre, introduire le remontoir dans l'orifice prévu à cet effet et tourner lentement, et observer le haussement du poids avec son bruit bien particulier de trrq trrq trrq trrrq. Recommencer pour le second poids. 

Emotion dans mes doigts, mes oreilles, mes yeux. Mes oreilles encore quand vient le temps de tourner la grande aiguille jusqu'au XII, et que sonnent les heures !

Puis la dernière touche, faire aller le balancier, et c'est parti pour la semaine.

 

Marc-Chagall- la pendule à l'aile bleue

 

Marc Chagall - La pendule à l'aile bleue

Je m'interroge quelquefois sur ma relation aux objets. De façon générale, je suis plus une rêveuse, une contemplative, qu'une personne attachée aux matérielles possessions. Plus dans le ressentir que dans l'avoir.

N'emplêche que certains objets comptent terriblement pour moi.

La Comtoise est plus que bois, métal et verre. Elle a une vie, qui naît de l'arbre et de l'ingéniosité humaine. Elle a une vie qui survit à la nôtre. Elle est de mes aieux le sang qui bât.

Je me rends compte que cet objet qui aujourd'hui me touche n'est pas innocent. Dans son paradoxe d'horloge, il marque le temps qui s'écoule pour les générations successives alors que lui, Monsieur l'objet Horloge, demeure. Le témoin du temps. Du temps unifié dans un tic-tac apaisant ou impitoyable, selon mon état d'esprit du moment. Le temps unifié ou pas, car le temps est-il le même pour ceux qui m'ont précédée, que pour vous et moi, et que pour celles et ceux, hauts comme trois pommes, qui aujourd'hui pointent le bout de leur nez ?  

Quand je regarde ce bel objet aux formes pures, aux sons harmonieux, je pense à tous ceux qui l'ont touché avant moi, entendu avant moi, qui ont impulsé son balancier lunaire, ou bien qui l'ont arrêté. Joies et peines, naisances et morts. Objet témoin de nos vies, objet lien entre les hommes malgré le temps. Permanence dans l'impermanent. Cette permanence me rassure, donne du poids à mes jours : ralentit le temps.

Et ralentir le temps, à l'ère du jetable, du consommable, n'est ce pas un inestimable bonheur?

 

 

 *Alphonse de Lamartine 

 

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Commentaires
D
on en avait déjà parlé je me souviens et on avait partagé la même idée que les objets "s'imprègnent'". C'est quelque chose que je ressens si fortement que je n’achèterai pas un meuble dans une brocante tant je le sens "habité". Il serait donc "vivant"? Illusion diraient les cartésiens, "qui sait" répondront les sensitifs....<br /> <br /> <br /> <br /> Alors tu as une maison de famille? Quel bonheur!
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L
Un texte très sensible sur ce qui dure, perdure, s'envole, mais reste tout de même là au fond de nous, comme une force, un rocher, un trésor impalpable. Je revois la comtoise de mes grands-parents, le temps que j'ai passé devant pour essayer de capter le mouvement de ses aiguilles. Je revois le coucou de la Forêt noire de mon grand-père dont le petit oiseau guilleret sortait à chaque heure. J'entends les coups d'horloge dans la nuit quand le sommeil faisait défaut. Je revois Pépé avec la clé qui remontait les poids. J'entends Mémé dire en parlant de son père : "Papa est mort, il faut arrêter l'horloge." Et puis ce détail amusant qu'elle devait être toujours en avance de dix minutes, en prévision de nos retard. Que de souvenirs en effet reliés à l'horloge !
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