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Sous l'alisier

DSC03896 - Copie-1

 

Elle est comme ça sa maison. Au milieu de nulle part. Suspendue au nuage. Baignée de soleil et secouée de vent.

Portes et volets vibrent.

On y est parfois très tranquilles et parfois moins. S'y arrête qui veut, le temps d'un verre. d'une douceur. De quatre mots à échanger. Ou de silence.

Elle est assise sur ses talons, là-haut, au bord du ciel. Nez au vent. Elle est bien. Elle est juste bien au bon endroit pour contempler le monde...



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"Il y avait tant de lumière qu'on voyait le monde dans sa vraie vérité, non plus décharné de jour mais engraissé d'ombre et d'une couleur bien plus fine. L'oeil s'en réjouissait. L'apparence des choses n'avait plus de cruauté mais tout racontait une histoire, tout parlait doucement aux sens. La forêt là-bas était couchée dans le tiède des combes comme une grosse pintade aux plumes luisantes" 
Jean Giono - Que ma joie demeure



Sous l'alisier
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30 novembre 2014

J'écrivais

J'avais mon antre en presque sous-sol, un peu à l'écart du reste de la maison. Ce n'était pas vraiment un sous-sol, non, il y avait une petite fenêtre en hauteur qui donnait sur le trottoir qui longe la place, me laissant entrevoir les pieds des passants et c'est à peu près tout. Entrevoir et entendre. Entendre les talons frapper le sol dès le petit matin. Quand j'y pense, je les entends encore. Dans cette chambre, j'avais ma petite table ovale, tout un monde.

Entre ma treizième et ma vingt-et-unième année, tout mon temps libre je le passais là, soit à lire soit à écrire dans le secret, au rythme du claquement des talons du monde. Vous pensez que j'exagère ? Vrai, j'exagère un tout petit peu ma vie dans ma tour d'ivoire à l'envers. Je passais donc mon temps libre là, à écrire des pages et des pages, blocs après carnets, cahiers après carnets. Des anecdotes du quotidien, mais surtout mes humeurs des jours. J'y disais toutes les écorchures de ma jeune vie. Des carnets comme autant de défouloirs, autant de confidents de mes turbulences intérieures. J'étais mal, et mes cahiers étaient là pour que je le dise, moi, la jeune fille si sage.

Un jour j'ai été mieux. Quelques années étaient passées, et je n'écrivais presque plus. J'en avais moins le temps, et sûrement que j'en éprouvais moins l'impérieuse nécessité. J'ai relu, j'ai dit tout est mêlé, tout est vrai et tout est faux là-dedans, c'est moi et c'est pas moi, c'est le moi de tous les possibles, de toutes les exagérations, et c'est pourtant vrai, sauf que.... seule moi peut comprendre. Faut tout brûler.

J'ai fait un tri sommaire, j'ai gardé ce que j'estimais être le meilleur et j'ai brûlé le reste, sans regrets.

Aujourd'hui, c'est trente ans qui ont passé. De regret je n'en ai pas davantage. Ces années d'introspection m'avaient aidé à grandir, mais il fallait tourner la page, et mettre le nez dehors, au vent du vaste monde. De regret, j'en ai un seul. Celui de la facilité que j'avais alors à écrire. Autant que je m'en souvienne, je n'éprouvais aucune sorte d'inquiétude face à la page blanche : les mots coulaient rapides au rythme de ma pensée. 

 

 

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Commentaires
K
Bonjour Bifane, tout d'abord ça me fait très plaisir de... t'entendre !<br /> <br /> Tu as très bien compris ce que je voulais dire en parlant du vrai et du faux, ce n'était pas du faux à proprement parler, mais il y avait un grand mal-être en moi qui déformait les choses. Les poser sur papier en vrac, quasiment à la vitesse de la pensée (tu dis "abandon presque total", et c'est ça) m'a permis d'avancer, d'y voir plus clair, une sorte de psychothérapie, en fait ! Effectivement, lorsque j'écris aujourd'hui ma recherche n'est plus la même... et tant mieux, car j'ai trouvé une certaine sérénité que je n'avais pas alors.<br /> <br /> Bien sûr je n'avais pas conscience de l'aubaine que c'était, mais aujourd'hui cela ne me manque pas trop. A vrai dire, il me semble qu'aujourd'hui encore le peu de temps que je passe à écrire comme je le fais en ce moment, et bien que ce soit une autre recherche, est aussi un temps où je me retrouve, un temps de pause face à l'agitation du monde (et la mienne, puisque j'en fais partie !). J'aimerais juste avoir un peu plus de temps pour cela...<br /> <br /> A bientôt, Bifane, un bon dimanche à toi !
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B
Peut-être aussi que tu n'écris plus tant parce que tu es devenue plus exigeante ? Tu dis toi-même qu'il y avait dans tes écrits autant de vrai que de faux, et j'imagine autant de justesse dans les idées que de réflexions un peu vaseuses, autant de perspicacité à lire le monde que de niaiseries à l'interpréter de travers... Si tu vois où je veux en venir...<br /> <br /> Je crois que c'est un regret qui n'a pas vraiment lieu d'être : ce n'est qu'une conséquence de ton évolution, de l'affinement de ta perception du monde, de l'exigence de ton regard sur la vie : il ne s'agit plus de raconter n'importe quoi, quand tu prends la plume, il faut tutoyer le réel, l'authentique, ou quelque chose qui puisse dépasser tout ça pour aller plus haut. C'est juste de ne plus pouvoir te contenter du tout-venant, et ça, c'est une bonne chose.<br /> <br /> Ce qu'il y a de bon, en revanche, dans cette écriture refuge, c'est qu'elle aide à se trouver, à se comprendre et à traduire le monde pour nous le rendre compréhensible. Ce que je j'aurais tendance à regretter, ce n'est pas cette facilité d'écrire, que j'ai connue aussi, c'est l'abandon presque total que j'arrivais à y trouver, et par lui, la capacité que j'avais de descendre dans le fil des écrits, jusqu'à y trouver parfois une clé... C'est aussi peut-être le réel refuge que c'était et dont tu parles aussi : cette tour d'ivoire où s'enfermer complètement, et qui nous donnait le temps de nous remettre dans nos pas, de nous réparer la tête, de mettre une distance réelle entre le monde et nous. Ça, c'est quelque chose qui me manque souvent aujourd'hui : de n'avoir rien qui me permette de créer cette distance, pour le temps dont je pourrais en avoir besoin. Et je m'aperçois que tout ce temps que je prenais alors, c'était une aubaine extraordinaire. Je n'en avais pas conscience à l'époque. Je ne sais pas pour toi ? <br /> <br /> Bonne soirée Cagire !
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L
Émouvante prise de conscience. Garder le meilleur, cela va de soi; mais la solitude, l'incompréhension peut-être, la souffrance, ne sont pas toujours facile à brûler. Parfois, moi, je rêve d'en détricoter et d'en retricoter le fil. Mais quel travail ! Ce serait une sorte de "cadeau" pour ceux qui peuvent comprendre et que cela aiderait peut-être. <br /> <br /> Par ailleurs, j'admire ton geste. Manifeste d'une plus large confiance en la vie. Quant à ta facilité elle a muée et s'est transformée en fluidité.
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